Médias sénégalais : le gouvernement enclenche une réforme ambitieuse pour une presse plus professionnelle et durable

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« La presse sénégalaise est à la croisée des chemins », affirmait récemment le nouveau Secrétaire général du SYNPICS devant le président Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Un constat sans détour qui traduit les profondes mutations et difficultés que traverse aujourd’hui le secteur des médias au Sénégal.

Conscient de cette réalité, le gouvernement a engagé un vaste programme de réformes. Sous l’impulsion du ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, Alioune Sall, plusieurs mesures sont mises en œuvre pour restructurer le paysage médiatique national. Au cœur de cette dynamique : la modernisation du Code de la presse, le renforcement du financement public et l’amélioration de la gouvernance dans le secteur.

Un nouveau souffle pour le Fonds d’Appui et de Développement de la Presse (FADP)

L’une des réformes phares concerne la refonte du décret d’application du FADP. Ce dispositif financier, qui soutient les entreprises de presse, verra ses règles de gouvernance clarifiées, ses critères de sélection renforcés, et ses objectifs recentrés sur des contenus utiles à la société. Pour être éligibles, les médias devront désormais prouver leur conformité au Code de la presse, proposer des contenus originaux axés sur des thématiques de développement (éducation, santé, environnement, culture, etc.) et respecter la convention collective.

Le ministre Alioune Sall insiste : le but est de soutenir une presse indépendante, professionnelle, économiquement viable et engagée dans la construction nationale. Le budget du fonds, qui a atteint 1,9 milliard FCFA en 2023, dépassera les 2 milliards cette année, grâce notamment à l’augmentation des redevances versées par les éditeurs et distributeurs de contenus.

Un audit du fonds, lancé dès l’arrivée du ministre, a révélé des dérives : près de 800 millions de francs CFA auraient été alloués à des structures non éligibles. Ce constat a renforcé la volonté du gouvernement d’imposer plus de rigueur et de transparence dans l’allocation des ressources publiques.

Structuration, conformité et cartographie des médias

Une commission chargée de la validation des déclarations des entreprises de presse a été mise en place pour évaluer leur conformité. Composée de représentants de plusieurs ministères, du CNRA, du CORED et du CNCP, elle a déjà jugé 258 médias en règle sur un total de 695 déclarations. Plusieurs irrégularités ont été relevées, notamment des cessions non autorisées de licences, des doublons de personnel et l’absence d’engagement contractuel avec des journalistes.

Le ministère entend ainsi disposer d’une cartographie précise des médias opérant au Sénégal, condition sine qua non pour l’attribution de l’aide publique.

Vers un encadrement renforcé de la publicité et de la régulation

En parallèle, une réforme du Code de la publicité est en cours. Objectif : mieux encadrer les conventions publicitaires avec les établissements publics et orienter ces ressources vers des contenus à forte valeur sociale. Une cellule de validation des conventions, regroupant la Présidence, la Primature et le MCTN, permettra d’assurer transparence et cohérence dans la distribution de la publicité étatique.

Autre chantier majeur : la création d’une Autorité de Régulation des Médias, plus puissante et élargie que le CNRA actuel, dont les compétences sont aujourd’hui limitées à l’audiovisuel. Le CORED, organe d’autorégulation, est aussi jugé peu efficace, notamment face aux nouveaux supports numériques comme les web TV ou les réseaux sociaux. Il est donc envisagé un cadre unique de régulation adapté à l’écosystème médiatique moderne.

Des réformes structurelles en appui à la professionnalisation

Outre les réformes juridiques et financières, le ministère prévoit la participation de l’ADPME pour l’accompagnement des entreprises de presse, ainsi que celle du CESTI, afin de renforcer la formation professionnelle dans le secteur. Un représentant de la Convention des Jeunes Reporters du Sénégal a même été intégré au conseil de gestion du FADP, pour mieux prendre en compte les réalités du terrain.

Une législation pour garantir l’accès à l’information

Le gouvernement entend également faire adopter, en procédure accélérée, une loi sur l’accès à l’information, attendue depuis plus d’une décennie. Cette législation vise à renforcer la transparence et la redevabilité des institutions, tout en garantissant aux citoyens un droit fondamental.

En conclusion : vers un nouveau modèle de presse

Le Sénégal amorce donc une refondation profonde de son secteur médiatique, dans un esprit de modernisation, de transparence et de responsabilisation. La réussite de cette réforme dépendra de la mobilisation de tous : État, professionnels des médias, société civile et partenaires techniques. Ensemble, ils devront œuvrer pour bâtir une presse libre, éthique et tournée vers le développement du pays.

 

Seydou DIALLO

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La Rédaction